RÉSUMÉ DE L’ÉBAUCHE DU DOCUMENT DE TRAVAIL

Préparé par le groupe de réflexion « Sécurité Sociale » de State Of The Arts (SOTA) (dernière modification le 18 février 2021)

Ce texte, présenté par le groupe de réflexion sur la sécurité sociale de State of the Arts (SOTA), est une ébauche de document de travail. Ce document sera continuellement mis à jour et représente le point de départ d’un processus d’écriture collective selon une méthodologie spécifique en plusieurs étapes.

Le texte vise à impliquer toutes les disciplines artistiques. Celui-ci traitera des exemples issus des arts visuels, mais sera complété par des exemples provenant d’autres disciplines. Les réformes du système de sécurité sociale doivent inclure les travailleurs les plus précaires du secteur artistique. Ces réformes doivent tenir compte des spécificités de chaque discipline et ne mettre en péril aucun artiste ou travailleur de l’art.

La réforme du système de sécurité sociale pour les artistes et les travailleurs de l’art peut difficilement être considérée indépendamment des autres aspects de la situation socio-économique de l’artiste. Elle exige une approche intégrale et une consultation interministérielle. Cette approche intégrale des différents ministères contribuera à déterminer la structure de ce texte.

Dans un certain nombre de propositions de réforme du « statut d’artiste » qui circulent actuellement, la responsabilité pour la précarité est parfois placée à tort du côté de l’artiste. Selon elles, les artistes devraient être « responsabilisés » afin de devenir plus entreprenants. Pourtant, cela ne correspond en rien à la réalité de leur travail atypique. C’est l’irrégularité inhérente à de nombreuses disciplines qui rend difficile la traduction de la grande diversité des activités artistiques en une seule et unique législation. Par exemple, le règlement de l’actuel « statut d’artiste » exige la justification de trois prestations par an pour être renouvelé chaque année. Selon les propositions susmentionnées, cela aurait pour effet de « surprotéger » les bénéficiaires. C’est pourquoi elles proposent d’augmenter drastiquement ces prestations à 52 jours par an, ou plus modérément, à 156 jours sur trois ans (sous forme de cachet ou de contrat de travail). Néanmoins, cette proposition ne correspond pas à la réalité des longs cycles de travail, souvent non ou peu rémunérés, d’un certain nombre de disciplines telles que le cinéma expérimental, les arts visuels ou encore la danse.

On peut se demander pourquoi ces propositions tentent de combattre la précarité avec plus de précarité. Des études montrent que le revenu médian net des artistes visuels, par exemple, n’est que de 13 700 €, un montant qui inclut les avantages qu’ils tirent de leur « statut d’artiste ». Les faibles revenus annuels dans le secteur artistique ne sont pas le résultat d’un trop faible travail, mais d’une propension structurelle à sous-payer le travail culturel. Certaines nouvelles propositions risquent de faire perdre leur protection à de nombreux artistes, ainsi que le seul filet de sauvetage dont ils disposent pour rendre leur profession viable. Tant que seule une fraction du travail des artistes est rémunérée (à titre d’exemple, il n’est pas rare que la convention collective du travail accepte une rémunération de 1000 € pour une exposition individuelle ayant duré plusieurs mois ou un an), et tant que les subventions ne conditionnent pas une rémunération équitable des artistes par rapport à leur temps de travail effectif, des ajustements « pénalisants » du « statut d’artiste » ne peuvent être acceptés.

Ce document de travail donne un aperçu de certains problèmes relatifs à ce « statut d’artiste ». Par exemple, seront discutés la difficulté d’accès au statut pour les jeunes artistes et le cumul difficile des droits à la retraite. Ou encore, la situation schizophrène imposée à l’artiste qui doit chercher activement du travail (en dehors du secteur), tout en menant des recherches artistiques et en développant des projets ou des présentations (de manière autonome ou sur commande) au cours de la même période, pour lesquels seule une fraction du temps de travail est rémunérée.

Le document de travail souligne plusieurs problèmes sous-jacents ou structurels pour les artistes et les travailleurs de l’art. Par exemple, au lieu d’une rémunération équitable, les artistes sont souvent « récompensés » par une « visibilité », « une opportunité de réseautage » ou par la « valeur symbolique de la marque » des organisations qui les invitent. Même si ces artistes ont accès au « statut d’artiste », ces relations de travail injustes persistent et le cumul de droits sociaux est extrêmement difficile. Ces conditions rendent l’artiste très vulnérable et sa position socio-économique précaire.

Ce document de travail vise à traduire ces problèmes sous-jacents en suggestions pour des mesures politiques concrètes. Une réglementation des relations de travail dans le secteur artistique s’impose (par exemple, une rémunération équitable pour le travail actuellement non rémunéré et invisible des artistes et des travailleurs de l’art, ou encore des contrats équitables qui ne font pas reposer tous les risques sur l’artiste) ainsi que la restructuration du système de subventions au sein de la politique culturelle, afin que la rémunération équitable ne soit pas une option, mais une condition assortie de ressources adaptées. Si le secteur culturel était correctement financé, et si les artistes et les travailleurs de l’art étaient payés pour leur travail, le « statut d’artiste » ne servirait qu’à amortir les risques de la profession et non à « résoudre » le problème du sous-paiement et du sous-financement.

UNESCO : « En effet, la plus grande subvention aux arts ne provient pas du gouvernement, de mécènes ou du secteur privé, mais des artistes eux-mêmes par le biais de leur travail non rémunéré ou sous-payé. » 1

Résumé :

  1. Intentions de la note
  2. Méthodologie
  3. Brève discussion des éléments problématiques au sein des propositions actuellement en circulation concernant les règles spécifiques pour les artistes
    • revenu universel de base réservé aux artistes
    • 156 jours
    • 52 jours
    • tout transformer en cachet
    • la sécurité sociale pour les jeunes artistes via le budget de la culture de la Communauté flamande
    • nombre de jours d’accès réduit
    • les droits d’auteur dans le panier de salaire ?
  4. Regroupement des principaux problèmes selon une approche globale
    1. Problèmes pour les travailleurs de la sécurité sociale (ouvriers et employés) :
      • l’article 1 bis n’est pas couvert par une convention collective de travail
      • la confusion sur le RPI
      • les visas de travail
    2. Problèmes pour le droit du travail :
      • un travail structurellement sous-payé en raison du sous-financement de la culture
      • l’absence d’application des conventions collectives
      • le partage des risques
      • les revenus provenant de la distribution du travail
      • valeur symbolique
      • les revenus provenant de l’étranger
      • le chômage des jeunes artistes
      • la « prolongation » des règles spécifiques pour les artistes
      • l’obligation de rechercher activement un emploi
      • l’obligation de postuler pour un emploi en dehors du secteur artistique
      • problèmes administratifs pour les artistes
      • le contrôle de la recherche d’emploi des artistes
      • l’absence d’accumulation de points pour la retraite
    3. Problèmes rencontrés par les travailleurs indépendants
      • l’accès au statut d’indépendant est trop coûteux pour de nombreux artistes
      • les calculs sont trop lents
      • l’absence de protection sociale
      • l’instabilité du marché de l’art
    4. Problèmes liés à la politique culturelle en Communauté Flamande
      • stigmatisation
      • distribution des parts du gâteau
      • absence de restitution de la valeur ajoutée
      • le futur décret flamand sur les arts
      • la crise du coronavirus
    5. Problèmes liés à la politique culturelle en Fédération Wallonie-Bruxelles
    6. Problèmes dans le domaine de la fiscalité
      • droits d’auteur
  5. Suggestions de SOTA
    1. Suggestions pour la législation de la sécurité sociale (ouvriers etemployés)
      • Convention collective pour le salaire à la tâche
      • suppression du RPI
      • des visas de travail qui reconnaissent les deux différents statuts sociaux
    2. Suggestions pour la législation du travail
      • l’extension de la définition du travail à des formes d’emploi plus autonomes
      • accès au chômage : règles spécifiques pour le calcul de la période d’intégration des artistes
      • accès au chômage : inclusion d’autres formes d’activité professionnelle
      • extension du chômage : règles spécifiques pour les artistes
      • une administration simplifiée pour les artistes et les travailleurs de l’art
      • des contrôles personnalisés sur le comportement de recherche des artistes et des travailleurs de l’art
    3. Suggestions pour le ministère du travail indépendant (activité principale ou complémentaire)
      • des taux d’accès variables au statut d’indépendant
      • un calcul plus rapide des taux
      • une meilleure sécurité sociale pour les indépendants ou les indépendants exerçant une activité complémentaire
      • cumul de la sécurité sociale dans le cas des travailleurs indépendants à titre complémentaire
      • la convergence des deux statuts sociaux
    4. Suggestions pour le ministère de la culture en Communauté flamande
      • une rémunération équitable liée à une augmentation des fonds dans le domaine de la culture
      • une rémunération équitable liée à une meilleure répartition des ressources.
      • inclure un salaire équitable comme condition d’accès aux subventions dans le décret sur les arts
      • lier la rémunération des prestations à leur préparation à l’aide de coefficients
      • une conception élargie du “travail artistique”.
    5. Suggestions pour le ministère de la culture en Fédération Wallonie-Bruxelles
    6. Suggestions pour le ministère de l’économie (fiscalité) -droits d’auteur

ÉBAUCHE DU DOCUMENT DE TRAVAIL

Préparé par le groupe de réflexion “Sécurité Sociale” de State Of The Arts (SOTA) (dernière modification le 18 février 2021)

State of the Arts (SOTA) est une plateforme ouverte dont l’objectif est de façonner un nouvel imaginaire du monde de l’art d’aujourd’hui. SOTA fonctionne sur base des connaissances collectives des artistes et des travailleurs artistiques indépendants, tout en restant ouverte aux personnes et organisations concernées qui souhaitent œuvrer en faveur de pratiques artistiques équitables. Pour SOTA, un véritable changement ne peut se produire qu’à l’écoute de toutes les personnes, préoccupations et points de vue qui échappent au radar des organisations représentatives du secteur culturel. SOTA veut permettre un engagement direct. SOTA part du principe que la transition vers des pratiques plus équitables dans le monde de l’art peut être un catalyseur de changement dans la société au sens large.

Le groupe de réflexion sur la sécurité sociale au sein de la plateforme State of the Arts est composé de Ronny Heiremans, Wouter Hillaert, Mathilde Maillard, Kobe Matthys, Katrien Reist et Katleen Vermeir.

1. Intentions de ce document

La crise sanitaire a douloureusement révélé qu’un grand nombre d’artistes et de travailleurs de l’art2 en Belgique sont privés de protection sociale. La législation (re)connaît actuellement deux statuts qui offrent cette protection : celui de salarié (ou de fonctionnaire) et celui d’indépendant. Cependant, de plus en plus d’artistes et de travailleurs de l’art travaillent avec des contrats de travail temporaires à très courte durée. Étant donné la variabilité des employeurs, ces contrats n’offrent qu’une protection très limitée. Nombre d’entre eux combinent les emplois, souvent dans les deux statuts, mais comme le système de sécurité sociale octroie la protection sur base d’un minimum de 50 % d’emploi dans un statut principal, ils passent souvent impitoyablement entre les mailles du filet.

L’organisation du travail a beaucoup changé au cours des 40 dernières années, mais la législation concernant le travail et la sécurité sociale des artistes, quant à elle, reste pratiquement inchangée. En 1969, un certain nombre de règles spéciales ont été élaborées dans le cadre de la sécurité sociale pour les artistes performeurs des « arts du spectacle ». En 2003, un certain nombre de nouvelles règles spéciales ont été ajoutées pour tous les artistes. En plus des artistes performeurs, les artistes plasticiens peuvent désormais eux aussi recourir à ce qu’on appelle communément le « statut d’artiste ». C’était une amélioration non négligeable ! Pourtant, le statut manifeste de nombreuses lacunes en pratique, notamment en restant inabordable pour un grand nombre d’artistes de tout âge, tant pour ceux qui ne parviennent pas à accéder au statut que pour ceux qui combinent le statut avec leur pratique artistique.

L’impact majeur de la crise sanitaire sur le secteur culturel a généré une impulsion propice aux réformes. Le gouvernement fédéral actuel, dirigé par le Premier Ministre De Croo, a inscrit la poursuite d’une réforme durable du statut social des artistes dans l’accord de coalition. Un certain nombre de partis politiques ont déjà présenté leur proposition de réforme. Mais avant tout changement radical, SOTA souhaite présenter une proposition bien fondée et bénéficiant d’un large soutien, tout en plaçant les besoins des artistes et des travailleurs de l’art au sein d’une vision plus large de cette problématique.

La réforme du « statut d’artiste » est un dossier très complexe politiquement. Tout d’abord, il s’agit d’une question fédérale alors que la culture est une question communautaire. Deuxièmement, il s’agit d’un dossier qui a un impact sur la législation du travail, la sécurité sociale, le chômage et les impôts. Il s’agit donc d’un dossier dans lequel différents ministères sont impliqués. En adoptant une approche intégrale, nous souhaitons encourager une consultation interministérielle sur la question.

La réforme touche à des discussions sociétales essentielles: Qu’est-ce que le travail ? Comment rémunérer l’art ? Qui mérite une protection sociale ? Il est important de ne pas se dérober à ces questions. Les artistes et les travailleurs de l’art s’apparentent à d’autres travailleurs précaires aux activités irrégulières, temporaires et hybrides. À long terme, il est nécessaire d’améliorer la protection sociale de tous les travailleurs précaires, tant dans le secteur artistique qu’en dehors de celui-ci.

Cela ne signifie pas pour autant que les artistes ne doivent pas chercher des solutions à court terme aux problèmes spécifiques de leur secteur. Il n’est pas question de mettre à mal une protection particulièrement indispensable aux artistes, même dans son état actuel. Si cette protection est loin d’être parfaite, la spécificité des règles permet aux artistes de faire face aux risques de leur profession, si ce n’est d’exercer leur activité tout court, en raison des problèmes structurels de sous-rémunération.

Il serait regrettable que différentes disciplines (l’audiovisuel, les arts plastiques, la musique, le théâtre, ou encore la danse) développent des propositions de changement, qui tout en étant à leur avantage, puissent conduire à une plus grande précarité pour les autres disciplines. Une consultation et un essai des propositions s’impose, avec toutes les disciplines et experts concernés (législation du travail, sécurité sociale, fiscalité, culture…). Ces ajustements exigent la plus grande prudence, en vue d’élaborer un plan en plusieurs étapes qui permette de concrétiser la vision élargie de la question (voir ci-dessous).

Nous préconisons une recherche plus approfondie sur les « règles spécifiques » actuelles afin d’identifier les problèmes critiques et, ultérieurement, une révision des règles spécifiques existantes. Cet examen se doit d’être approfondi, et requiert nécessairement une enquête de terrain.

Afin d’éviter tout malentendu, à la fois dans le domaine de l’art, de la politique et auprès du public au sens large, il serait préférable de ne plus utiliser le terme de « statut d’artiste ». Cette dénomination suggère à tort que les artistes sont traités de manière spéciale en recevant une faveur par rapport aux autres professions. En réalité, ce soi-disant « statut » n’est pas un statut distinct (comme celui de salarié ou d’indépendant). Il s’agit simplement d’une exception dans la réglementation sur le chômage. Il a été introduit pour éviter la discrimination des artistes par rapport aux autres groupes professionnels. Cela est dû à leur travail atypique, mobilisant des contrats à très courte durée avec des employeurs variés, ce qui rend très difficile la constitution d’une sécurité sociale. C’était une façon d’offrir aux artistes une protection similaire aux autres travailleurs. De telles réglementations existent aussi pour d’autres professions atypiques (pêcheurs, bûcherons, travailleurs saisonniers, etc.). Il serait donc préférable de rebaptiser le « statut d’artiste » en « règles spécifiques pour les artistes en matière de sécurité sociale et de chômage », puisque c’est de cela qu’il s’agit.

Nous tenons également à souligner que les artistes et les travailleurs de l’art ne cherchent pas de privilèges particuliers, mais visent une reconnaissance du caractère atypique de leur travail. Les artistes aspirent aux mêmes possibilités que les autres employés pour renforcer leurs droits sociaux. Le « statut d’artiste » actuel a donc été conçu pour ne pas discriminer les artistes par rapport aux autres groupes professionnels.

Comme le suggère l’UNESCO dans ses recommandations de 1980 concernant la condition de l’artiste, il s’agit de « s’efforcer de prendre les mesures nécessaires pour que les artistes jouissent des mêmes droits que ceux qui sont accordés à un groupe comparable de la population active par les législations nationales et internationales relatives à l’emploi et aux conditions de vie et de travail, et veiller à ce que les artistes et les artistes indépendants bénéficient, dans les limites raisonnables, d’une protection en matière de revenus et de sécurité sociale. » 3

2. Méthodologie

Dans un premier temps, le groupe de réflexion sur la sécurité sociale de SOTA souhaite améliorer les dispositions existantes pour les artistes dans la législation des différents ministères concernés, à savoir la sécurité sociale, le travail et le chômage, les travailleurs indépendants, la fiscalité et la culture. À cette fin, nous soulignons l’importance d’une approche intégrale par le biais d’une consultation interministérielle.

Au sein de la plateforme How to Live & Work Now du Kaaitheater, le groupe de réflexion a voulu lier ce processus de réforme des « règles spécifiques pour les artistes » à une série de réunions préparatoires avec des acteurs à la fois francophones et néerlandophones. À cette fin, SOTA travaille avec des organisations néerlandophones telles que Artiesten Coalitie, Cultuurloket, Jonge Akademie, Kunstenpunt, oKo, Voices of Dance, entre autres, et des organisations francophones telles que NO Culture, Conseil Dead, Balance ta Crise, Artistes Affilié.e.s, Metal, UPAC, F(s), SACD & Scam.

Nous avons également fait appel à un certain nombre d’experts juridiques et de personnes dont la recherche académique porte sur la sécurité sociale en Belgique : Yasmine Kerbache, Anne Catherine Lacroix, Kristof Salomez, Julie Van Elslande, Jens Van Lathem, Tobias Van Royen.

Nous misons sur la diversité de ces partenaires pour organiser un parcours comprenant une large enquête auprès des artistes, tant ceux qui répondent aux critères actuels des « règles spécifiques pour les artistes » que ceux qui en sont exclus.

C’est la seule manière pour connaître les besoins et enjeux spécifiques de chaque discipline. L’enquête offre une piste intéressante, pouvant être conçue et menée par un ou plusieurs partenaires. Ceux-ci pourraient désigner un avocat chargé de suivre le projet de près. Le groupe de réflexion souhaite ainsi formuler une proposition bien fondée et bénéficiant d’un large soutien en vue de la présenter au gouvernement.

Le samedi 27 février 2021, SOTA organisera une discussion ouverte en ligne avec le concours du Kaaitheater. En mars, ces contributions seront ajoutées au document de travail et rendues accessibles via le site web de SOTA, notamment dans le cadre du prochain Fair Arts Almanak 2022. L’objectif final sera de présenter le document de travail aux différents ministères concernés.

3. Brève discussion des éléments problématiques au sein des propositions actuellement en circulation concernant les règles spécifiques pour les artistes 4

– Un revenu universel de base réservé aux artistes

Le parti libéral du MR a récemment publié une proposition détaillée de réforme. Celle-ci s’apparente à un revenu universel de base (RUB), uniquement pour les artistes et les techniciens. 5 Le groupe de réflexion a analysé la proposition de MR dans une note détaillée. 6

L’idée du MR est de créer une sorte de « revenu d’artistes » sous la tutelle d’un ministère fédéral des arts qui serait séparé des affaires sociales, contrairement à la situation actuelle. Retirer les artistes du chômage les découplerait effectivement de la sécurité sociale, qui comprend non seulement le chômage, mais aussi la santé, l’invalidité et les pensions. Il est fort probable que ceci crée également la nécessité de souscrire à des assurances privées individuelles pour la retraite, la santé, l’invalidité, etc.

MR considère que les bénéficiaires des actuelles « règles spécifiques pour les artistes » sont « surprotégés » parce qu’ils doivent à peine prouver trois prestations par an. Ils vont jusqu’à considérer cela comme un abus, tout en préconisant « la responsabilité » de l’artiste. C’est pourquoi leur proposition vise la justification de 156 jours de travail sur 36 mois, soit 52 jours par an (voir ci-dessous).

Nous pensons que la responsabilité de la situation précaire de l’artiste ne peut en aucun cas lui être imputée. Comme discuté plus haut, nous estimons que la cause réside dans le sous-paiement structurel et le sous-financement de la culture. Alors que les « règles spécifiques pour les artistes » sont destinées à fournir un filet de sauvetage pour la situation précaire de l’artiste, paradoxalement, cette proposition du MR vise à générer encore plus de précarité !

Nous pensons également que l’introduction du revenu universel de basedans le débat public devrait concerner tous les citoyens, pas seulement les artistes. Loin d’attendre un statut privilégié, les artistescherchent simplement à jouir d’un traitement qui ne les discrimine pas par rapport aux autres professions.

- 156 jours

Les propositions qui réduisent le nombre de jours requis pour accéder au « statut » mais augmentent le nombre de jours nécessaires à la “neutralisation” (renouvellement annuel du « statut ») favoriseront la précarité et le décrochage des artistes si le nombre de jours à prouver est trop élevé, même s’il est calculé sur base de cachet. Par exemple, si l’artiste doit prouver 156 jours de cachet par an pour prolonger son « statut », il lui faudra des contrats artistiques d’un montant d’environ 10 000 € de salaire brut par an, ce que beaucoup d’artistes n’obtiennent pas (les revenus artistiques annuels des artistes visuels peuvent se situer entre 1 500 et 6 000 € bruts par an), le travail fourni aux institutions culturelles n’étant que très partiellement rémunéré.

Et cela s’applique aux artistes de tout âge ! Désormais, seuls trois contrats de travail/prestations par an sont nécessaires. L’obligation de prouver 156 jours représente une charge énorme pour le maintien des « règles spécifiques pour les artistes ».

– 52 jours

Les propositions visant à prouver 52 jours par an (ou 156 jours sur trois ans), ne tiennent pas suffisamment compte des longues périodes de création (qui ne débouchent pas nécessairement sur des périodes mieux rémunérées une fois que l’œuvre circule, les honoraires étant simplement trop bas), ni des longs délais pour demander des subventions ou trouver des coproducteurs. Les risques, tels que le rejet d’une demande de subvention (obligeant l’artiste à renouveler une longue procédure dedemande) ou l’annulation d’une exposition sans indemnisation, peuvent conduire l’artiste à perdre son niveau d’allocation (et donc aussi la protection contre la dégressivité de l’allocation) pile au moment où il ou elle besoin d’un filet de sauvetage temporaire pour traverser cette période. Le « statut » actuel n’exige que trois contrats ou prestations par an. L’obligation de prouver 52 jours par an surcharge considérablement l’artiste pour le maintien des « règles spécifiques pour les artistes ».

-Tout transformer en cachet

S’il est question d’opter pour l’utilisation du cachet, le montant de base doit augmenter. Cela pour éviter que l’artiste gravite autour du seuil de pauvreté tout au long de sa carrière, non seulement en raison du faible montant de l’indemnité journalière, mais aussi parce que la règle du cachet soustrait un plus grand nombre de jours de son allocation. La plupart des artistes visuels n’utilisent pas les droits d’auteur, de sorte que ces droits ne constituent pas une source de revenus possible pour dépasser ce seuil.

- La sécurité sociale pour les jeunes artistes via le budget de la culture de la Communauté flamande

Une proposition visant à faciliter l’accès des jeunes artistes aux « règles spécifiques pour les artistes » via le budget de la culture de la Communauté flamande ne peut pas faire partie d’une proposition cohérente, pour la raison qu’elle institue une dépendance à un budget supplémentaire mis à disposition par la Communauté flamande. Cela peut rapidement glisser vers un statut spécialement financé comme celui de « sportif de haut niveau ». Le fait que l’État puisse déterminer qui sont les « meilleurs » artistes met en péril leur autonomie.

- Réduction du nombre de jours d’accès

Les propositions visant à faciliter l’accès des jeunes artistes en réduisant le nombre de jours de travail artistique requis seront difficiles à accepter par solidarité avec les autres professions qui exigent le respect d’un nombre égal de jours. Cela nécessite d’adopter une stratégie différente pour faciliter cet accès.

- Les droits d’auteur dans le panier de salaire ?

Les droits d’auteur ne sont pas des revenus, mais des recettes provenant de la cession de la propriété intellectuelle. En ne les considérant pas comme des revenus, on encourage l’évasion du paiement des cotisations sociales. Il s’agit donc d’une proposition dangereuse.

4. Regroupement des principaux problèmes selon une approche intégrale

Les réformes de la sécurité sociale des artistes et des travailleurs de l’art doivent être envisagées dans une perspective plus large. Les enjeux concernent non seulement la sécurité sociale, mais aussi le domaine du travail, des indépendants, de la culture, de la fiscalité, des droits d’auteur, etc.

Il ne faut pas sous-estimer la complexité des structures politiques dans lesquelles s’inscrit cette réglementation pour les artistes. Des idéologies contradictoires au sujet des artistes, du travail et de la sécurité sociale dans les gouvernements flamand, wallon et fédéral constituent un risque politique.

1. Problèmes pour la sécurité sociale (les travailleurs, ouvriers et employés)

- L’article 1bis n’est pas couvert par une CCT

Actuellement, les conventions collectives ne s’appliquent pas aux artistes travaillant sous l’article 1bis. De plus, le « visa pour les artistes » délivré par la Commission des Artistes est un mauvais moyen de déterminer qui peut y faire appel ou non. Ce visa ne résout pas non plus les problèmes de mauvais paiement. La composition de la Commission des Artistes est également une question délicate. Les artistes, les techniciens et d’autres confrères compétents devraient détenir la plus grande part de décision au sein de la commission, afin que l’évaluation de la nature du travail artistique reste la plus ouverte possible dans un paysage artistique en constante évolution.

- La confusion sur le RPI

Le RPI s’utilise actuellement comme une forme de rémunération pour les artistes et les travailleurs de l’art. Les artistes n’acquièrent pas de droits sociaux avec le RPI. Le nombre d’abus crée une situation de sous-paiement et de concurrence déloyale pour de nombreux artistes et travailleurs de l’art.

– Le visa de travail de reconnaît pas l’article 1bis

Le visa de travail est actuellement accordé sur base d’un contrat de travail permanent ou d’un statut d’indépendant. Les employés qui travaillent sous l’article 1bis ou avec un BSA intérimaire ne peuvent pas bénéficier d’un visa de travail.

2. Problèmes pour la législation du travail

- Le travail structurellement sous-payé en raison du sous-financement de la culture

L’une des principales raisons pour lesquelles les artistes éprouvent des difficultés à se constituer une sécurité sociale est le sous-paiement. À la fois sous-jacent et structurel, ce problème est difficile à résoudre, même pour les artistes et les travailleurs de l’art qui opèrent dans le cadre existant des « règles spécifiques pour les artistes en matière de sécurité sociale et de chômage. »

Des études sur la situation socio-économique de l’artiste-“kunstenpocket #3” en 2019 7 et “Loont Passie” en 2016 8 - montrent que les artistes de tous les secteurs qui travaillent de façon intermittente (seule une minorité est employée à temps plein ou à mi-temps, et, dans arts visuels, un contrat artistique de longue durée est même inexistant) doivent faire face à des périodes de rémunération de plus en plus courtes et à des salaires très bas qui ne compensent d’ailleurs qu’une fraction de leur temps de travail. Par conséquent, les artistes ne cumulent pas de sécurité sociale telle que la retraite.

Dans le secteur artistique, la création n’est pas rémunérée de façon équitable. Les rémunérations qui tiennent compte du processus de création et de production dans le calcul d’une « rémunération équitable » constituent une exception majeure. La grande motivation et la passion des artistes, ainsi que leur faible position de négociation, contribuent largement à l’exploitation et l’auto-exploitation des artistes (en investissant la majeure partie d’un budget limité pour réaliser un travail de qualité et une trop petite part dans le salaire). Il est temps pour les artistes eux-mêmes d’œuvrer ensemble à des conditions équitables.

Un exemple tiré de l’étude « Loont Passie? » montre que ce sont les artistes visuels qui sont les moins bien payés : le revenu annuel net médian de l’artiste visuel était de 13 700 € en 2014. Il faut savoir que ce montant comprend TOUS les revenus, tels que les revenus artistiques, l’enseignement, mais aussi les indemnités de chômage. Des revenus artistiques réels qui se situent entre 1 500 et 6 000 € bruts par an sont une réalité pour de nombreux artistes visuels qui travaillent à temps plein. L’exemple suivant permet de clarifier cette situation tordue. Le prix habituel d’une exposition individuelle est de 1000 € (coût total de la main-d’œuvre), mais cela implique souvent des mois, voire un an de travail non rémunéré sous forme de recherche artistique, de rencontres, d’élaboration de propositions de projets, de planification et de production de l’œuvre, etc. que l’artiste doit combler en demandant des subventions, en trouvant des coproducteurs, un travail alimentaire, et en se reportant aux « règles spécifiques pour les artistes ».

Selon l’étude de « Loont Passie ? » de Kunstenpunt, presque tous les artistes visuels (93 %) ont déclaré avoir travaillé à la création de leur œuvre propre en 2014. Seul un sur trois a également perçu une compensation pour ce travail. 77% des artistes visuels ont exposé la même année. Seuls 30 % des exposants ont reçu une compensation dans ce cadre. Le travail de recherche, de réflexion et de prospection a été rapporté comme une activité par environ 40% des artistes. Dans 28% des cas, ce travail a été rémunéré. Seules les créations commanditées (réalisées par 50 % des artistes en 2014) avaient de réelles chances d’être rémunérées : dans 7 cas sur 10.

Le plus révélateur est peut-être que même pour les artistes jouissant d’une grande reconnaissance symbolique au niveau national et international, dont le travail est présenté dans des biennales, des musées et des festivals de cinéma de prestige, la reconnaissance financière ne suit pas. Tout au long de leur carrière, les artistes et les travailleurs de l’art doivent fonctionner dans des modèles économiques dont ils sont le maillon faible. Cela signifie que pour de nombreux artistes, la profession est structurellement non viable, et que malgré l’existence d’un certain nombre de « règles spécifiques pour les artistes », la précarité et les relations de travail inéquitables subsistent. 9

- L’absence d’application des conventions collectives

Il y a un manque d’application des conventions collectives du travail. D’une part, parce qu’elles ne s’appliquent pas à l’article 1bis. D’autre part, parce qu’une grande proportion du travail des artistes n’est pas facturée, demeurant ainsi « invisible » et non rémunérée. Ce travail « invisible » et non rémunéré n’en est pas moins « non sollicité », généralement missionné par une structure (rédaction de demandes de subventions, administration, répétitions, rédaction d’un texte de presse, réunions de collaboration, recherche de coproducteurs supplémentaires, réalisation de maquettes, production de l’œuvre, etc.). Malheureusement, ces activités commanditées ne font actuellement pas l’objet d’une rémunération. Même le travail « visible » n’est que très partiellement rémunéré. Les organisations artistiques qui engagent des artistes avec des contrats à très courte durée (certes conformément à la convention collective de travail) uniquement dans le but de montrer un « produit » fini, tout en ne les récompensant que symboliquement, n’assument pas leur responsabilité d’employeur ; ils ne tiennent pas compte des mois, voire des années de préparation qui accompagnent ce « produit. » 10 Cela est dû à plusieurs raisons : le faible niveau de financement propre ; le fait que les organisations artistiques ne donnent pas la priorité à la rémunération décente des artistes ; et le fait que la relation « client/prestataire » n’est que rarement prise au pied de la lettre au sein du secteur.

- Le partage des risques

De plus, les risques liés aux investissements (manque de fonds, coûts et salaires en cas d’annulation d’expositions etc…) retombent souvent sur les épaules des artistes. Lorsqu’il s’agit de contrats, ces risques sont partagés de manière disproportionnée entre l’artiste et l’organisation. Cela explique la précarité du travail artistique et la nécessité d’une politique qui place les artistes au centre, tout en concrétisant son soutien et sa mise à disposition de ressources.

Même pour les artistes qui bénéficient déjà des « règles spécifiques pour les artistes au chômage » la situation reste précaire. Tant que les artistes et les travailleurs de l’art travaillent de façon intermittente, qu’une rémunération digne ne soit la norme et que les subventions (publiques ou privées) n’incluent pas le coût réel de l’emploi, rien ne pourra changer. Il est donc primordial que les changements éventuels aux « règles spécifiques pour les artistes en matière de sécurité sociale et de chômage » tiennent compte des pratiques actuelles de sous-paiement.

- Les revenus provenant de la distribution du travail

Croire que dans tous les secteurs, l’investissement de la période de recherche et de développement peut être récupéré une fois que l’œuvre circule est un malentendu. Comme mentionné précédemment, le prix moyen d’une exposition individuelle est de 1000 € (coût total de la main-d’œuvre), indépendamment du temps nécessaire pour son développement, sa production et sa présentation. Les festivals de cinéma ne proposent généralement pas de rémunération pour la projection ; à l’inverse, l’artiste paye un droit d’inscription pour participer aux sélections de films. Ici encore, l’artiste doit se satisfaire de la « visibilité » de son travail et des « possibilités de réseautage » associées.

- Valeur symbolique

Contrairement à l’attention exclusive des médias pour l’aspect « glamour » du secteur, le niveau de rémunération des artistes ne s’améliore pas avec la « gloire » et le prestige des institutions qui les invitent. Bien souvent, ces institutions considèrent la valeur symbolique de leur « marque » comme une « compensation ». C’est l’attitude de la plupart des biennales internationales, des grands musées… Leur valeur symbolique se répercuterait sur l’artiste. L’artiste doit se contenter d’une plus grande « visibilité », mais les revenus financiers auxquels il ou elle peut prétendre en dehors des structures publiques demeurent particulièrement hasardeux et spéculatifs.

- Les revenus provenant de l’étranger

Lorsque des institutions étrangères s’adressent directement au gouvernement flamand pour obtenir une aide aux artistes, ces derniers n’ont souvent aucune emprise sur les pratiques de rémunération ou l’utilisation effective de cet argent. À moins que des exigences concrètes n’y soient rattachées, le respect de mesures équitables est une tâche impossible à ce niveau. En termes de pratiques équitables, il importe donc de se relier à d’autres mouvements au niveau international.

- Le chômage des jeunes artistes

Généralement, les artistes en phase de démarrage ne sont pas en mesure de prouver les jours de travail (artistique) nécessaires pour accéder aux « règles spécifiques pour les artistes ». À cette fin, les personnes de moins de 36 ans doivent justifier 312 jours de travail sur 21 mois (en cachet). Il est très difficile de développer le métier d’artiste en le finançant avec d’autres emplois. Les règles en matière de chômage ne tiennent pas suffisamment compte de la situation atypique de l’artiste/employé. Le processus de création se déroule généralement dans une période sans emploi artistique direct. Même en cas de recrutement, il y a généralement un grand fossé entre le temps de travail effectif et le salaire perçu par l’artiste.

Nous constatons qu’au lieu de diminuer, les risques pour les jeunes artistes augmentent. De moins en moins d’organisations se chargent de présenter les œuvres d’artistes émergents. Dans le nouveau décret, les bourses sans obligation de résultat deviendront un instrument exclusif, avec des montants alloués moins élevés. L’artiste récemment diplômé doit attendre un an avant de faire une demande de bourse, sans pour autant pouvoir se constituer une sécurité sociale.

À titre d’exemple, quelles solutions pouvons-nous développer pour faciliter la justification des jours, éventuellement en fonction de la catégorie d’âge ? Les périodes d’activité professionnelle (actuellement non rémunérées) peuvent-elles se comptabiliser comme jours de travail, par exemple dans le cadre d’une résidence artistique, d’une recherche ou d’une formation ?

Idéalement, la recherche artistique, la formation et les résidences seraient rémunérées convenablement, mais l’artiste a peu d’emprise sur la rémunération des résidences à l’étranger. S’il n’y a pas d’autres moyens de rémunérer l’artiste, le modèle néo-zélandais abordé ci-dessous pourrait-il offre une alternative ?

- La « prolongation » des règles spécifiques pour les artistes

Les propositions visant à prouver 52 jours par an (ou 156 jours en trois ans), ne tiennent pas suffisamment compte des longues périodes de création (qui ne débouchent pas nécessairement sur des périodes mieux rémunérées une fois que l’œuvre circule, les honoraires étant simplement trop bas), ni des délais pour demander des subventions ou trouver des coproducteurs. Les risques, tels que le rejet d’une demande de subvention (obligeant l’artiste à renouveler une longue procédure de demande) ou l’annulation d’une exposition sans indemnisation, peuvent conduire l’artiste à perdre son niveau d’allocation (et donc aussi la protection contre la dégressivité de l’allocation) pile au moment où il ou elle besoin d’un filet de sauvetage temporaire pour traverser cette période.

- L’obligation de rechercher activement un emploi

Des situations schizophrènes proviennent du fait qu’une grande part des missions artistiques (la recherche et la création, par exemple) soit effectuée sans contrat lors de périodes de chômage pendant lesquelles on oblige l’artiste à rechercher activement du travail.

En Nouvelle-Zélande, une alternative a été conçue pour pallier à cette situation : PACE (Pathways to Arts and Cultural Employment). 11 Tout artiste qui développe une œuvre artistique lui permettant de percevoir un futur revenu ou de développer sa pratique artistique est considéré comme étant en recherche active d’emploi. Il ou elle n’aura donc pas besoin de postuler pour des emplois en dehors du domaine artistique (voir ci-dessous).

- L’obligation de postuler pour un emploi en dehors du secteur artistique

Désormais, l’artiste doit prouver 156 jours de travail artistique sur une période de 18 mois avant qu’un audit/entretien avec le service de l’emploi concerné puisse lever l’obligation de postuler pour un emploi en dehors du secteur. Ces contrôles génèrent beaucoup de stress et d’anxiété. Comme expliqué auparavant, de nombreux artistes n’atteignent pas ce nombre de jours (calculé à la fois en « cachet » et en jours de travail) en raison des pratiques de sous-rémunération structurelle, et ce peu importe leur âge.

Dans certains cas, les employeurs partent du principe que les artistes qui opèrent sous ce statut ne devraient pas être indemnisés, ou ne devraient l’être que marginalement, puisqu’ils disposent déjà d’un « revenu de base ». Malheureusement, c’est aussi la vision de certains artistes (en oubliant peutêtre qu’ils negligent ainsi leurs propres droits sociaux).

- Problèmes administratifs rencontrés par les artistes

De nombreux artistes sont mal accueillis dans les administrations parce que les réglementations spécifiques pour les artistes sont mal connues et représentent un travail supplémentaire pour les fonctionnaires. Cela vaut pour les administrations comme pour les services sociaux et lessyndicats. Les administrations ne comportent pas assez de personnes formées à cet effet. Par conséquent, les artistes sont souvent confrontés à d’énormes retards dans le traitement de leurs dossiers.

- Le contrôle de la recherche d’emploi des artistes

À présent, les artistes doivent se soumettre à un contrôle avec leservice de l’emploi concerné à propos de leur recherche active de travail. Cela provoque beaucoup de malentendus. En effet, contrairement à d’autres professions, le secteur artistique ne fonctionne pas sur base d’entretiens d’embauche. S’il est indispensable de voir des expositions et des spectacles pour rester à jour, cette recherche sera considérée comme un loisir. De plus, de nombreux artistes ne sont pas défrayés pour leurs voyages à l’étranger. Comment prouver que vous ne pouviez pas vous présenter à un entretien d’embauche pendant votre tournée en Europe ?

- L’absence de cumul pour la retraite

Si l’artiste travaille contre un salaire à la tâche et que le calcul se fait selon la règle du « cachet », ces jours de « cachet » ne seront pas considérés pour le calcul de la pension. Après tout, la règle du cachet est une règle qui n’est spécifique qu’à la réglementation du chômage et qui n’est pas appliquée dans d’autres branches de la sécurité sociale. La pension est calculée sur base du nombre de jours de travail effectif. S’il est vrai que les droits à la retraite sont conservés pendant la période dite “assimilée”, c’est-à-dire la période de chômage entre deux contrats, les artistes qui n’ont conclu que des contrats de très courte durée en début de carrière ne toucheront guère de pension en fin de parcours. C’est un exemple de cumul de sécurité sociale très difficile, même si l’artiste a accès aux « règles spécifiques pour les artistes”. Selon une proposition, le cachet pourrait compter pour tous les aspects de la sécurité sociale, y compris le cumul de la pension. Cependant, cela exigerait d’augmenter l’indemnité journalière pour éviter que les artistes ne gravitent autour du seuil de pauvreté tout au long de leur carrière.

3. Problèmes rencontrés par les travailleurs indépendants

L’emploi peut s’exercer via le statut de salarié et éventuellement via le statut de travailleur indépendant. Toutefois, l’article 1bis de la loi sur l’ONSS stipule qu’un artiste relève automatiquement du régime général de la sécurité sociale des travailleurs salariés. C’est un point clairement indiqué qui mérite plus de reconnaissance. C’est la Commission des Artistes qui détermine si les artistes peuvent devenir indépendants.

- L’accès au statut d’indépendant est trop coûteux pour de nombreux artistes

Pour les indépendants à titre principal, une cotisation minimale à la sécurité sociale de 2 992 € est requise annuellement (si le revenu net imposable est inférieur à 14 042 €). Cela représente environ 250 euros par mois. En raison de l’irrégularité de leurs revenus, peu d’artistes peuvent se le permettre à l’heure actuelle. Ils ne bénéficient d’ailleurs que de peu de sécurité sociale en retour.

- Les calculs sont trop lents

La plupart des artistes et travailleurs de l’art perçoivent des revenus variables. Cela peut avoir un impact majeur sur la hauteur des contributions trimestrielles. Cependant, le calcul des cotisations pour les travailleurs indépendants est trop lent. Cela complique la tâche pour de nombreux artistes.

- L’absence de protection sociale

Les indépendants à titre principal ou complémentaire ne peuvent pas se rabattre sur le chômage. Pour les indépendants exerçant une activité complémentaire, aucune cotisation minimale n’est due, mais elles deviennent applicables à partir d’un revenu net imposable de 1553 € par an.

- l’instabilité du marché de l’art*

Les revenus provenant du « marché de l’art » sont inexistants ou très aléatoires pour de nombreux artistes. C’est ce que démontre clairement l’étude “Cijferboek Kunsten 2018” de Kunstenpunt concernant l’accès des artistes flamands au marché de l’art. 12

Le marché de l’art fonctionne selon le principe du « winner takes all », dans la mesure où il est organisé autour de l’exclusivité. L’attention et les ressources sont concentrées sur quelques élus. Par le sens qu’ils attachent à l’art, la masse d’artistes structurellement sous-payée et sous-financée génère une grande valeur symbolique pour le marché, qui peut ainsi faire monter les prix d’un petit nombre d’artistes dits « de premier ordre ». Tout revenu financier que l’artiste pourrait recevoir sur le marché reste une matière hautement incertaine et spéculative.

4. Problèmes liés à la politique culturelle en Flandre

Le sous-financement de la culture fait partie des raisons sous-jacentes pour lesquelles les artistes peinent à se constituer une sécurité sociale.

– Stigmatisation

L’image des artistes auprès de certains citoyens et politiciens reste stigmatisante. Les artistes ne seraient pas assez « entreprenants » et trop dépendants des subventions. Un certain nombre d’études ont permis de mettre en lumière la précarité de la situation socio-économique des artistes. Celles-ci montrent que cette précarité n’est pas le résultat d’un manque d’effort de la part de l’artiste ; au contraire, le problème est de nature structurelle. Le sous-financement de la culture conduit à une mauvaise rémunération : seule une fraction du travail que l’artiste effectue pour le compte d’un organisme subventionné est payée.

- Distribution des parts du gâteau

Le secteur culturel génère 5,6 % de la valeur ajoutée brute en Flandre, mais n’est soutenu que pour 1 % du budget total flamand. 13 Il s’agit d’un déséquilibre dans la répartition des ressources. Un certain nombre de partis politiques présentent la culture comme coûteuse pour la société, alors même qu’elle fait partie de ses moteurs et de ses investisseurs. Il est donc amplement justifié de consacrer davantage de ressources à la culture !

- Absence de restitution de la valeur ajoutée

Tout comme l’éducation, l’art génère une valeur ajoutée indéniable. Les économistes parlent d’externalité positive, ce qui signifie que ces secteurs génèrent une valeur ajoutée économique et sociale pour laquelle l’utilisateur n’a pratiquement rien à payer. Ces secteurs ont un grand effet multiplicateur. Leur valeur ajoutée peut être récoltée dans le secteur du tourisme, de l’urbanisme, des projets immobiliers (sans que l’artiste n’en retire les bénéfices), mais aussi dans l’éducation, les soins de santé, etc.

Ce n’est pas pour rien les arts ont été considérés comme essentiels pendant la crise du coronavirus. C’est donc sans risque qu’on peut parler d’une contribution à la fois au Produit Intérieur Brut et au Bonheur Intérieur Brut. Il est clair que la vision de l’art doit changer radicalement. Comment penser qu’il serait impossible de soutenir publiquement les arts alors qu’ils génèrent une telle valeur ajoutée ?

L’UNESCO recommande : « Les États membres devraient prendre des dispositions, par une coordination étroite de leurs politiques en matière de culture, d’éducation et d’emploi, entre autres, pour concevoir des politiques d’aide et de soutien matériel et moral aux artistes, et devraient veiller à ce que l’opinion publique soit informée du bien-fondé et de la nécessité de ces politiques. Les États devraient promouvoir et protéger le statut des artistes en traitant les activités artistiques, y compris l’innovation et la recherche, comme un service à la communauté. » 14

- Le futur D’écret flamand sur les Arts

La réforme des « règles spécifiques pour les artistes en matière de chômage et de sécurité sociale » relève du ministere des Affaires sociales et de la Santé publique. Le décret sur les arts est une affaire communautaire. Les institutions culturelles subventionnées doivent travailler selon les principes du décret flamand sur les arts. Les ajustements du nouveau décret flamand sur les arts ne sont pas alignés sur la réforme fédérale des « règles spécifiques pour les artistes » et cela peut conduire à une incertitude supplémentaire concernant la position socio-économique de l’artiste.

En attendant, des « pratiques équitables » sont inclues dans le futur décret sans que rien de concret n’ait été écrit, ni sur la façon dont une rémunération équitable pour les artistes pourrait être une condition contraignante pour les organisations qui reçoivent des subventions, ni sur la façon dont leurs activités pourraient être contrôlées à cet égard. Les plaidoyers pour des ressources supplémentaires du gouvernement flamand, qui permettraient de rémunérer équitablement les petites et moyennes organisations travaillant avec un soutien très limité, sont laissés sur le carreau. Une chose est sûre : ces ressources supplémentaires n’arriveront pas. Selon le gouvernement flamand, des alternatives devraient apporter une solution à ce sous-financement, mais on ignore quelles seraient ces alternatives et leur degré d’efficacité.

La rémunération équitable des artistes se mire donc dans un avenir lointain. La charte « Juist is Juist » développée par oKo est sur la bonne voie, sans être contraignante. Un calculateur de salaire décent qui règle certains minima dans le ratio prestation/honoraire est certes en cours de développement, mais si les budgets ne suivent pas, les artistes resteront prisonniers d’un cercle vicieux de sous-paiement. Si les décrets rendent la rémunération équitable facultative, rien ne changera ; s’ils rendent la rémunération équitable obligatoire sans prévoir de budget supplémentaire, on obtiendra une « rémunération équitable pour quelques-uns ». Seuls quelques chanceux pourront présenter leur travail dans des conditions dignes.

L’artiste est la « pierre angulaire » de cette politique, affirme le mémo « Vision » du ministre de la culture Jan Jambon. Mais le nouveau décret ne tient guère compte des besoins des artistes, ce qui consolide leur position précaire, affaiblit leur capacité de négociation et les livre d’autant plus à la merci des institutions artistiques.

Par exemple, dans le nouveau décret, les « Bourses » (non liées à un projet et sans obligation de production) deviendront exclusives et très limitées en montant et en nombre, plus proches d’un « prix » pour mérite exceptionnel, alors qu’elles étaient les seules à soutenir des périodes de recherche artistique autonome. Ces subventions ont permis de compenser le travail « invisible » des artistes par un salaire grâce à la possibilité de faire gérer la subvention par une personne morale. Dans le nouveau décret, ces Bourses, tout comme les Bourses de Résidence, ne pourront plus être gérées par une personne morale, de sorte que l’artiste ne pourra plus les toucher sous forme de salaire, ce qui le privera effectivement de droits sociaux. Dans les subsides de projet il est possible de percevoir un salaire, mais en raison de l’obligation de « résultat », celui-ci ne représentera qu’une petite partie du budget total, car la plus grande partie sera consacrée à la réalisation de ce résultat.

Si le gouvernement flamand considère l’artiste comme la pierre angulaire de sa politique, il n’aurait pas manqué l’élan du nouveau décret sur les arts pour prendre sa responsabilité et, en consultation avec les organisations qu’il subventionne, créer un « marché » dans lequel les artistes sont équitablement rémunérés pour leur travail. 15

- La crise du coronavirus

Quelles seront les conséquences encore largement inconnues de la crise sanitaire et de la longue suspension de la culture sur le long terme, particulièrement pour le secteur artistique (travail international, accès aux subventions, travail avec les publics, accès aux fonds externes…) ? Les fonds de relance de la culture (en partie européens) sont majoritairement consacrés à la construction de nouveaux musées et de nouvelles infrastructures, au lieu de créer des opportunités et des subventions pour les artistes.

5. Problèmes liés à la politique culturelle en Féderation Bruxelles et Wallonie

6. Problèmes dans le domaine de la fiscalité

- Droits d’auteur

Le droit d’auteur n’est pas une forme de rémunération soumise à la sécurité sociale. C’est pourquoi le paiement en droits est encouragé (car fiscalement plus intéressant) ce qui pousse de nombreux artistes dans une situation de travail inappropriée sans possibilité de cumuler des droits sociaux.

5. Suggestions de SOTA

SOTA propose de simplifier, clarifier, adapter et mieux élaborer les règles des statuts sociaux existants, c’est-à-dire celui de de salarié et d’indépendant. SOTA estime peu judicieux d’isoler les artistes avec des contrats temporaires dans un troisième statut distinct. Les réformes de la sécurité sociale des artistes et des travailleurs de l’art doivent être envisagées dans une perspective plus large. Les problèmes ne concernent pas seulement les réglementations au sein de la sécurité sociale, mais aussi celles de l’emploi, du travail indépendant, de la culture, en matière de fiscalité, de droits d’auteur, etc.

1.Suggestions pour la législation de la sécurité sociale (travailleurs, ouvriers et employés)

– CCT pour le salaire à la tâche

Pour le statut de salarié, nous demandons une révision de l’article 1bis (salaire à la tâche) (applicable pour les relations non hiérarchiques avec un employeur) et un couplage juridique de l’article 1bis avec la sécurité sociale via une convention collective du travail.

Actuellement, les conventions collectives ne s’appliquent pas aux artistes travaillant sous l’article 1bis. De plus, le « visa pour les artistes » délivré par la Commission des Artistes est un mauvais moyen de déterminer qui peut y faire appel ou non. Ce visa ne résout pas non plus les problèmes de mauvais paiement.

Les conventions collectives de travail peuvent être conclues sans révision de la législation du travail. Une solution pourrait être de travailler sur une CCT - CP 304 pour les indépendants et pour l’article 1bis. Cette CCT peut être rendue exécutoire par décret royal. La relation avec la durée réelle du travail devrait également faire partie de ces accords. La CP 329 pourrait alors suivre rapidement.

- Suppression du RPI

SOTA veut mettre un terme à l’utilisation du RPI ou du « régime des petites indemnités ». Le RPI a servi de mesure de réglementation pour les petites commissions dans le domaine des arts amateurs afin d’éviter le travail non déclaré. Mais le RPI est actuellement utilisé comme une forme de rémunération pour les artistes professionnels et les travailleurs de l’art. Les artistes qui utilisent un RPI ne cumulent pourtant aucun droit social. Le nombre d’abus contribue à créer une situation de sous-paiement et de concurrence déloyale pour de nombreux artistes et travailleurs de l’art. Les institutions et les organisations ne devraient pas utiliser le RPI comme moyen de rémunération, mais cette pratique est courante. Nous proposons d’abolir le RPI. Une réglementation suffisante existe pour indemniser les bénévoles, un RPI spécifique aux artistes n’est pas nécessaire.

- Des visas de travail qui reconnaissent les deux différents statuts sociaux

Le visa de travail est désormais accordé sur base d’un contrat de travail permanent ou d’un statut d’indépendant. Les travailleurs qui exercent leur activité par l’intermédiaire de l’article 1bis ou d’un BSA intérimaire ne peuvent pas bénéficier d’un visa. Pour beaucoup de jeunes artistes, c’est pourtant le meilleur moyen de démarrer leur carrière. Cela entraîne une discrimination à l’égard des artistes qui viennent de l’étranger mais qui travaillent en Belgique.

2. Suggestions pour la législation du travail

- L’extension de la définition du travail à des formes d’emploi plus autonomes

À plus long terme, plusieurs formes d’emploi « non subordonnées » devraient bénéficier de la même protection que les salariés. Par conséquent, toutes les conventions collectives des salariés s’appliqueraient automatiquement aux activités visées à l’article 1bis de la sécurité sociale. Cela pourrait éliminer de nombreux problèmes de sous-paiement. Toutefois, ces ajustements de la législation du travail ne devraient pas conduire à son érosion.

- accès au chômage : règles spécifiques pour le calcul de la période d’intégration des artistes

L’accès des artistes au chômage doit être revu. De nombreux artistes se voient aujourd’hui refuser l’accès à une protection sociale complète parce qu’ils ne remplissent pas le nombre de jours requis, même avec la règle du cachet (article 10 MB chômage). Il est possible d’aborder cette question autrement. Les artistes reçoivent souvent des subventions sans qu’elles puissent être considérées comme des salaires. Certains artistes paient des cotisations de sécurité sociale depuis des décennies sans jouir de protection. Serait-il possible de revoir le principe du droit à la protection sociale basé sur le « mérite » d’avoir travaillé au moins deux ans à temps plein ? Comment trouver une stratégie à la fois non discriminatoire envers d’autres groupes professionnels et non discriminatoire envers les artistes pour la nature atypique et irrégulière de leur travail ? Étant donné les difficultés des artistes à obtenir suffisamment de contrats pour se conformer aux règles spécifiques, les jeunes artistes et travailleurs de l’art pourraient-ils accéder à une période d’entrée plus longue, par exemple de 5 ans ?

- Accès au chômage : l’inclusion d’autres formes d’activité professionnelle

Peut-on inclure d’autres activités professionnelles mais non rémunérées, comme un séjour en résidence artistique, des périodes de recherche ou de formation artistique ? Nous pensons également à l’exemple de la Nouvelle-Zélande mentionné plus haut - PACE (Pathways to Arts and Cultural Employment) - dans lequel le développement du travail artistique compte comme une activité professionnelle.

- Extension du chômage : règles spécifiques pour les artistes

Un certain nombre des propositions mentionnées ci-dessus suggèrent que les bénéficiaires actuels des « règles spécifiques pour les artistes » sont « surprotégés » en n’ayant à prouver que 3 prestations par an et que cela peut être qualifié « d’abus ». Il semble que la responsabilité de la précarité incombe à l’artiste lui-même. Devoir prouver 52 jours/an ou 156 jours/3 ans s’avère inaccessible pour tellement d’artistes que SOTA ne peut accepter ces propositions tant que les conditions suivantes ne soient définitivement remplies : Si ces conditions ne peuvent être remplies, SOTA propose les alternatives suivantes : 1. Les activités non salariées mais professionnelles peuvent être inclues dans le calcul du nombre de jours à prouver (modèle néo-zélandais), 2. Le nombre total de jours à prouver en cachet (déterminé en fonction de tous les secteurs et toutes les disciplines) peut effectivement être réparti sur une période de référence plus longue (au moins 3 ans) afin de faire face aux risques et à la nature atypique de la profession (sans nombre fixe de jours à justifier par an). 3. Dans une enquête réalisée par le groupe F(s), la plupart des participants ont indiqué souhaiter conserver les 3 contrats actuels, le deuxième groupe le plus important souhaitant aller jusqu’à un maximum de 20 contrats par an. 16 4. Une alternative équivalente peut être proposée pour protéger les artistes les plus vulnérables. Selon l’accord de coalition, l’objectif de l’ajustement des « règles spécifiques pour les artistes » est d’améliorer la position socio-économique vulnérable des artistes, et non de combattre la précarité avec plus de précarité !

- Une administration simplifiée pour les artistes et les travailleurs de l’art*

De nombreux artistes témoignent d’un mauvais suivi au sein des administrations. Serait-il possible de former des personnes spécifiques pour assurer ce suivi? Pourraient-elles servir de référence lorsque les artistes se présentent aux guichets ? Serait-il possible de charger des personnes spécialisées dans le traitement des dossiers ?

– Des contrôles adaptés à la recherche d’emploi des artistes

Lors des contrôles, les artistes doivent s’évertuer à expliquer en quoi leur travail diffère d’un emploi classique. Cela peut conduire à des situations absurdes. L’artiste est tributaire des connaissances et de la bonne volonté du conseiller. Si il ou elle peut faire preuve de compréhension, la plupart du temps les règles standard sont appliquées sans qu’il ne soit possible pour les artistes de s’y conformer… avec toutes les conséquences que cela implique. C’est pourquoi nous proposons que seules des personnes spécialement formées au sein de l’ONEM et familiarisées avec le fonctionnement du secteur artistique mènent desentretiens avec les artistes. Ces personnes pourront tenir compte de la réalité de leur travail, y compris les nombreux déplacements qu’ils doivent effectuer.

3. Suggestions pour le ministère du travail indépendant (activité principale ou complémentaire)

- Des taux d’accès variables au statut d’indépendant

De nombreux artistes ne peuvent pas se permettre ce statut d’indépendant. Des taux différents pourraient s’appliquer aux petits travailleurs indépendants et aux gros travailleurs indépendants.

- Des taux calculés plus rapidement

La plupart des artistes et travailleurs de l’art ont des revenus irréguliers. Cela peut avoir un impact majeur sur la hauteur des cotisations. Le calcul des cotisations des travailleurs indépendants est toutefois trop lent. Cela complique la tâche pour de nombreux artistes, et il peut arriver qu’ils payent des cotisations trop élevées pendant des années car calculées à un moment précis. Peut-on accélérer le re-calcul des cotisations en fonction des revenus ?

- Une meilleure sécurité sociale pour les indépendants à titre principal et complémentaire

Les artistes au statut d’indépendant, que ce soit à titre principal ou complémentaire, se retrouvent dans une position très faible lorsqu’ils ne peuvent pas travailler (par exemple, en cas d’arrêt maladie ou pour soigner un enfant malade) ou en cas d’annulation d’une mission. La constitution d’un fonds de réserve n’est guère possible avec le niveau de revenus actuel. Nous en voyons les conséquences dramatiques aux Pays-Bas où un système corrompu pour les indépendants entraîne une grande précarité.

- Cumul de la sécurité sociale dans le cas des travailleurs indépendants à titre complémentaire

De nombreux artistes et travailleurs de l’art exercent une activité indépendante à titre complémentaire. Généralement, les personnes faisant usage de ce statut travaillent à mi-temps, mais elles ne bénéficient presque d’aucune protection sociale pour leurs cotisations au statut d’indépendant. De nombreux indépendants à titre complémentaire ont des difficultés. La protection sociale pourrait-elle être complétée en combinant les deux statuts dans un seul et même panier de salaire ?

- La convergence des deux statuts sociaux

Avec la proposition d’un panier de salaire pour le cumul des deux statuts sociaux, SOTA voit une opportunité de convergence de ces deux statuts sur le long terme. La répartition actuelle ne correspond pas à la réalité des artistes. À l’avenir, lorsque les deux statuts commenceront à se ressembler, il sera éventuellement possible de les fusionner en une seule sécurité sociale. Cela permettrait une plus grande mutualisation entre secteurs et catégories professionnelles, ce qui contribuerait à rendre le système général de sécurité sociale plus durable.

4. Suggestions pour le ministère de la culture Communauté flamande

- une rémunération équitable liée à une augmentation des fonds culturels*

D’une part, SOTA continue à œuvrer pour la rémunération équitable des artistes. Par ailleurs, tant que les organisations restent sous-financées et/ou qu’un financement alternatif n’est pas disponible, SOTA réalise qu’il y aura un repli partiel sur les allocations de chômage. En d’autres termes, les organismes sous-financés partent du principe qu’un artiste ne peut être que partiellement rémunéré pour le travail qu’il accomplit. Et cela crée un cercle vicieux, qu’il importe de briser avec la mise à disposition de ressources supplémentaires.

- Une rémunération équitable liée à une meilleure répartition des ressources

Les moyens financiers des subventions ne sont pas répartis de manière égale. Trop de ressources sont consacrées aux coûts « généraux ». Le pourcentage de fonds qui parvient réellement aux artistes contraste fortement avec la part réservée aux infrastructures. Cette situation déséquilibrée doit être corrigée dans les plus brefs délais. Cela permettra de consacrer davantage de ressources à la rémunération des artistes.

- Inclure la rémunération équitable comme condition d’accès aux subventions dans le Décret sur les Arts

La charte des « pratiques équitables » Juist is Juist aide à déterminer la rémunération appropriée à une tâche. Ceci permet d’améliorer la relation entre la prestation et la compensation. Mais ces pratiques nécessitent d’être contraignantes. Et la condition d’accès aux subventions dans le décret sur les arts pourrait être liée à une rémunération juste des artistes. SOTA travaille donc pour inclure la tarification collective dans le décret. Les artistes peuvent difficilement résoudre ce problème individuellement. Leur position de négociation est trop faible pour résister au pouvoir du « marché public » (institutions subventionnées). Il incombe également au gouvernement flamand d’organiser son marché public de manière à ce que tous les participants puissent être équitablement rémunérés.

- Lier la rémunération des prestations à leur préparation à l’aide de coefficients

Un artiste ne peut fournir de prestation qu’avec les préparatifs nécessaires. À titre d’exemple, on considère qu’un temps égal de préparation est nécessaire pour le nombre d’heures qu’un enseignant donne en classe. Un tel lien pourrait également être établi pour les prestations artistiques.

- Une conception élargie du « travail artistique »

SOTA estime qu’il est important de réfléchir à la nature du “travail” des personnes exerçant un activité artistique et à la manière dont cette activité peut contribuer à la construction de droits sociaux. Ainsi des périodes (autonomes) de recherche artistique, des périodes de travail subventionné sans possibilité de conversion en salaire, la présence en résidence, les répétitions, le développement d’une nouvelle œuvre… (la charge de la preuve ne peut reposer uniquement sur les subventions reçues, car cela crée une énorme dépendance par rapport aux budgets que le gouvernement flamand mettra à disposition pour sa politique culturelle).

L’intention de SOTA n’est absolument pas de permettre aux artistes d’échapper aux cotisations de la sécurité sociale ! Les artistes préféreraient contribuer davantage, si des salaires équitables devenaient la norme.

Maar binnen de staat zouden eventueel mogelijke gunsten kunnen verleend worden aan zich zelf. Wat baat het als een kleine beurs onmiddellijk gehalveerd wordt door de betaling van sociale lasten om hiermee ook een sociale zekerheid mee op te bouwen?

La résolution du Parlement européen du 7 juin 2007 partage l’idée de SOTA : « Rappelez-vous que tous les artistes exercent en permanence leurs activités, qui ne se limitent pas au temps consacré à leurs interprétations ou représentations artistiques visibles ; notez à cet égard que le temps que les artistes consacrent aux répétitions constitue à tous égards un temps de travail effectif et qu’il est essentiel de tenir compte de toutes ces périodes d’activité pour déterminer l’évolution de leur carrière, tant pendant les périodes de chômage qu’au moment de déterminer le montant de la pension.» 17

Les activités fondées sur des bourses de travail ou des résidences pourraient également être inclues dans le panier de salaire.

5. Suggestions pour le ministère de la culture Fédération Bruxelles Wallonie

6. Suggestions pour le ministère de l’économie (fiscalité)

- Droits d’auteur

Le droit d’auteur n’est pas une forme de rémunération soumise à la sécurité sociale. C’est pourquoi le paiement en droits est encouragé (car fiscalement plus intéressant) ce qui pousse de nombreux artistes dans une situation de travail inappropriée sans possibilité de cumuler des droits sociaux.

En outre, le 7 juin 2007, le Parlement européen a adopté une résolution - Résolution du Parlement européen du 7 juin 2007 sur le statut social des artistes (2006/2249(INI)) - qui met en évidence les problèmes de sécurité sociale et de revenus des artistes, ainsi que leur situation souvent précaire en matière d’emploi. Le Parlement européen demande aux États membres de l’UE de développer ou de mettre en œuvre un cadre juridique et institutionnel pour les activités artistiques créatives par l’adoption ou l’application d’une série de mesures cohérentes et globales concernant les contrats, la sécurité sociale, l’assurance maladie, la fiscalité directe et indirecte et le respect des règlements européens. Le Parlement européen demande à la Commission d’adopter une charte européenne sur la création artistique et les conditions de participation, basée sur une initiative telle que celle de l’UNESCO, afin de réaffirmer l’importance de l’activité artistique professionnelle et de faciliter l’intégration européenne.https://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P6-TA-2007-0236+0+DOC+XML+V0//EN


  1. UNESCO, Culture and working conditions for artists (2019), p6. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000371790 

  2. SOTA est favorable à l’extension du statut d’artiste aux deux professions artistiques. Les travailleurs de l’art sont des techniciens, mais aussi des conservateurs, des coordinateurs artistiques,… 

  3. Au niveau international, dans sa Recommandation de 1980 relative à la condition des artistes, l’UNESCO appelle les États membres à améliorer le statut professionnel, social et économique des artistes par la mise en œuvre de politiques et de mesures relatives à l’éducation, à la sécurité sociale, à l’emploi, aux revenus et aux conditions fiscales, à la mobilité et à la liberté d’expression. La Recommandation de 1980 ne demande pas aux Etats d’accorder aux artistes des privilèges spécifiques, mais plutôt de leur accorder des droits analogues à tout autre groupe socioprofessionnel dont le travail présente des caractéristiques spécifiques qui devraient faire l’objet de mesures spéciales. http://portal.unesco.org/en/ev.php-URL_ID=13138&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html 

  4. Propositions, entre autres, de Artiesten Coalitie et du MR https://www.mr.be/un-nouveau-statut-dartiste-pour-liberer-la-creation/ et de ACOD: https://www.cultuurkameraad.be/site/wp-content/uploads/2019/04/Voorstel-wijziging-werkloosheidswetgeving-ACOD-Cultuur.pdf 

  5. Website MR https://www.mr.be/un-nouveau-statut-dartiste-pour-liberer-la-creation/ Website Centre Jean Gol https://www.cjg.be/liberons-la-creation-artistique-statut-des-artistes/ 

  6. LIEN vers l’analyse de la proposition du MR par SOTA 

  7. Convaincus que l’action publique devient nécessaire et urgente pour remédier à la situation désastreuse des artistes dans un grand nombre de pays membres, notamment en ce qui concerne les droits de l’homme, les conditions économiques et sociales et leurs conditions de travail, en vue d’offrir aux artistes les conditions équivalentes nécessaires au développement et à l’expression de leurs talents et adaptées au rôle qu’ils peuvent jouer dans la planification et la mise en oeuvre des politiques culturelles et des activités de développement culturel des communautés et des pays et dans l’amélioration de la qualité de la vie. UNESCO : “Recommandations concernant la condition de l’artiste”, 1980, p2. 

  8. Un contre-exemple est le théâtre Veem d’Amsterdam qui, en 2016, a choisi de n’ouvrir que pendant 100 jours, pour ne pas faire de compromis sur les conditions de travail et de production de ses artistes. Voir : https://veem.house/EN/info

  9. New Zealand-The Pathways to Arts and Cultural Employment (PACE) in: The Status of Artists in Europe, study by EU Parliament’s committee on Culture and Education, 2006, p 92 https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/etudes/join/2006/375321/IPOL-CULT_ET(2006)375321_EN.pdf 

  10. Cijferboek Kunsten 2018 de Kunstenpunt : 50% des artistes flamands interrogés travaillaient sans galerie en 2015 et n’ont donc pas ou peu d’accès à un marché pour vendre leurs œuvres, 20% ont une galerie (dont 15% ne sont pas des galeries internationales) où les ventes sont également limitées. Les petites et moyennes galeries souffrent elles-mêmes du principe “winner takes all”. https://www.kunsten.be/publicaties/de-vlaamse-kunstmarkt-nationaal-internationaal-en-mondiaal/ 

  11. ^^Etude Flandres DC 2016, voir: https://www.flandersdc.be/en/magazine/the-creative-sector-in-flanders 

  12. UNESCO Recommendation concerning the Status of the Artist, 1980, p4 en p6 

  13. Informations sur le nouveau décret sur les arts, décisions du Conseil des ministres du 18 décembre 2020 https://beslissingenvlaamseregering.vlaanderen.be 

  14. https://f-s.collectifs.net/wp-content/uploads/2021/02/Questionnaire-statut-2020__compressed1.pdf 

  15. European Parliament Resolution of 7 June 2007 on the Social Status of Artists (2006/2249(INI)), article 27 and 28